Rédigé le 27 février 2019 par Matthieu Moreaudans Actualités
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Dans un monde hyperconnecté, nous sommes habitués à l’abondance de réseaux sociaux. En effet, la création de Facebook en 2004 a modifié nos façons d’interagir avec nos amis et connaissances. Nous avons accès plus facilement à leurs quotidiens, pouvons retrouver d’anciennes relations, partager des moments intimes et familiaux avec eux mais aussi avec tout internet si nous ne faisons pas assez attention. Si les vingt-cinq ans et plus ont grandi sans cette profusion d’internet, les jeunes d’aujourd’hui sont nés avec cette évolution, elle fait partie de leur quotidien. Nos jeunes générations sont donc continuellement entourées de ces réseaux et s’y inscrivent de plus en plus jeunes pour ne pas se retrouver mis à part de leur environnement social. Les inscriptions sont généralement des plus faciles afin de permettre le plus grand nombre possible d’abonnés. Fait démonstratif de cette démocratisation de réseaux sociaux, la recrudescence d’anciennes générations s’y inscrivant.

Ces générations nées avec un écran entre les mains dès le berceau (ou presque) ont développé une addiction qui pose de réels problèmes autant pour la dépendance qu’elle crée que pour les risques pris inconsciemment par les plus jeunes dans leur utilisation d’internet. On parle d’ailleurs plus facilement des jeunes en les considérant comme les plus vulnérables face aux dangers d’internet et des réseaux sociaux, mais qui connait réellement son impact personnel sur la sphère mondiale qu’est internet ?

Lorsque nous nous inscrivons sur un réseau social, après la rentrée d’informations personnelles nécessaires à la création d’un compte, le site nous demande de lire et d’accepter les conditions d’utilisation avant de valider celui-ci. Combien d’entre nous clique sur « j’ai lu et j’accepte les conditions » sans avoir réellement pris l’effort de les lire ? Et parmi les personnes bonnes élèves, un peu plus périlleuses d’accepter sans faire un effort de lecture, combien comprennent réellement de quoi il retourne ?

Une étude a été faite en 2016 par deux universitaires américains (Jonathan A. Obar de l’Université York et Anne Oeldorg-Hirsch de l’Université du Connecticut) spécialisés dans la communication, cherchant à démontrer qui parmi les jeunes lisaient réellement les conditions d’utilisation. 543 étudiants devaient tester un nouveau réseau social fictif nommé NameDrop qui aurait développé un partenariat avec leur université. Pour s’inscrire, un étudiant devait renseigner le formulaire d’inscription et valider qu’il avait bien lu et accepté les conditions générales d’utilisation (CGU) et la politique de vie privée (ce que le réseau social peut faire avec vos données personnelles recueillies). Résultat : 74% des personnes les ont validées sans même les avoir ouvertes, et le quart restant les ont lues en 73 secondes en moyenne. Or, si l’on considère que nous pouvons lire entre 250 à 280 mots par minute, il leur aurait fallu plus de 30 minutes pour les lire correctement. On peut donc considérer que personne n’a lu les conditions d’utilisation.

Les chercheurs avaient utilisé les deux contrats du réseau LinkedIn en y insérant de nouvelles clauses pour le moins douteuses : « toute donnée générée et/ou collectée par NameDrop, par quelque moyen que ce soit, pourra être partagée avec des tiers, y compris avec la NSA », « tous les utilisateurs de ce site acceptent de donner leur premier enfant immédiatement à NameDrop. Si l’utilisateur n’a pas encore d’enfant, cet accord sera valide et contractuel jusqu’en 2050. Tous les individus assignés à NameDrop deviennent automatiquement la propriété de NameDrop. Aucune exception n’est possible. ». Selon les données recueillies, 98% des étudiants n’ont pas lu ces clauses, et les 2% restants ont jugé qu’elles n’étaient pas assez graves pour refuser l’inscription… ce qui fait que 100% des étudiants ont accepté de signer le contrat. Voir un article sur le sujet

Connaissant cela, qui peut bien savoir ce que les conditions générales d’utilisation nous demandent réellement sur les sites que nous avons déjà acceptés ?

La principale source d’utilisation d’internet de nos jours pour une personne lambda concerne les réseaux sociaux. A chaque âge son vice, avec des préférences pour Snapchat, Twitter, Facebook ou Instagram, la plupart du temps tous utilisés par les adolescents. Il faut garder la « flamme » Snapchat (il faut envoyer un « snap » à un ami chaque 24h et on obtiendra un nombre de flammes égal au nombre de jours depuis que cet échange a lieu), vérifier qu’on a bien « liker » toutes les bonnes photographies, que ce soit de ses amis ou des tendances du moment, et surtout participer à ces réseaux en se montrant sous son meilleur jour, quitte à s’inventer une vie pour être apprécier de son public.

Le réseau Instagram fait partie des réseaux les plus utilisés du marché. L’interface est intuitive, rapide et permet de partager quotidiennement des photographies plus ou moins personnelles. Élément pratique : on peut s’y inscrire via son compte Facebook. Ce qui veut dire que toutes les conditions que vous avez acceptées plus ou moins par défaut lors de votre inscription sur Facebook seront à nouveau automatiquement validées sur Instagram. Pourtant, ce dernier fonctionne à l’inverse de Facebook : ici on ne peut pas décider qui seront nos amis mais ce sont eux qui nous choisissent en nous « suivant » sans qu’on ait à autoriser le processus. N’importe quelle personne peut donc décider de vous suivre et d’avoir accès à vos photographies sans vous avoir jamais rencontré auparavant.

Très utilisé par les célébrités en tout genre, Instagram attire ainsi de nombreux jeunes souhaitant être au plus proche de leurs idoles. Ils s’inscrivent donc, suivent les personnes les intéressant, et postent des photographies d’eux-mêmes ou de leur quotidien plus ou moins privé sans aucune connaissance des répercussions de leurs actions.

Quelques chiffres démontrant la suprématie du réseau social Instagram :

  • En juin 2018, le réseau a dépassé le milliard d’utilisateurs actifs mensuels
  • Dans le monde, plus de 500 millions d’utilisateurs utilisent quotidiennement l’application
  • 50,7% des utilisateurs sont des femmes
  • Les 18-24 ans représentent la catégorie la plus présente sur Instagram avec plus de 250 millions d’utilisateurs mensuels
  • Juste derrière, il s’agit des 25-34 ans qui représentent 240 millions d’utilisateurs mensuels
  • Les Etats-Unis comptent le plus d’Instagramers avec 120 millions d’utilisateurs. Le Brésil se trouve à la deuxième place avec 61 millions et l’Inde en troisième position avec 59 millions d’utilisateurs

Source : Instagram

Si l’on ne prend en compte que la France :

  • Il y a 14 millions d’utilisateurs actifs mensuels en France, ce qui représente 21% de la population totale
  • 54% sont des femmes
  • La France se trouve à la 15e place du classement des pays comptant le plus d’utilisateurs
  • En moyenne, un français ouvre son application Instagram jusqu’à 10 fois par jour

En 2018, le réseau Instagram a fait un revenu de plus de 7 milliards de dollars. Si la croissance continue proportionnelle, il gagnera 9.5 milliards d’ici 2021. Instagram vaut aujourd’hui la modique somme de plus de 100 milliards de dollars, ce qui représente 100 fois plus que ce que Facebook a payé lors du rachat du réseau en 2012.

Ce réseau possède donc une véritable capacité d’influence sur le monde, avec plus de 4,2 milliards de like par jour. Pour la plupart, ces likes viennent des sujets star d’Instagram comme le secteur beauté ou la nourriture sous le trend #food, démontrant la transformation des nouvelles habitudes de consommation. Le #food compte plus de 250 millions de post, 27% des instagramers partagent ce contenu et les principaux addicts vont en moyenne 18 fois par jour sur le réseau, et ce du matin au soir. Ce phénomène est connu de tous, avec la recrudescence de personnes prenant en photo leurs repas ou leurs boissons avant de les consommer. En effet, utilisateur ou non d’Instagram, nous avons tous déjà vu quelqu’un prendre en photographie son repas avant de le manger.

Source : dreamstime.com
Source : greebot.com

Pourtant, malgré tous les utilisateurs de ce réseau et leur continuelle utilisation de celui-ci, qui peut citer et expliquer clairement les conditions qu’ils ont dû valider avant de prendre en mail Instagram ?

Cet article cherche à nous expliquer le plus clairement possible quel type de contrat nous acceptons avec empressement de signer. Une avocate anglaise s’est amusée à retranscrire les conditions pour qu’un enfant de huit ans puisse les comprendre. Bien que l’avocate se soit concentrée sur une lecture des conditions d’utilisation à des fins explicatives pour enfants, chaque génération peut se sentir concernée par ces explications que nul ou peu ne daigne lire.

Voici les règles réécrites par l’avocate afin que chaque personne puisse les comprendre :

  1. Tu as le droit de te sentir en sécurité quand tu utilises Instagram. Ce qui paraît plus que normal et obligatoire dans notre société. Pourtant, le reste de leurs conditions ont tendance à contredire cette affirmation
  2. Officiellement, tu es propriétaire des photos et vidéos que tu postes, mais nous avons le droit de les utiliser, et de laisser d’autres personnes les utiliser, partout dans le monde. Les gens nous paient pour les utiliser, et nous ne te paierons pas. Une photographie personnelle peut donc devenir l’objet d’une campagne publicitaire mondiale sans nous avoir demandé la permission au préalable
  3. Tu es responsable de tout ce que tu fais sur Instagram et de tout ce que tu postes, dont des choses auxquelles tu ne t’attends peut-être pas comme ton nom d’utilisateur, tes données et la musique qu’écoutent d’autres gens. Chaque action et information postées sur nos réseaux nous rendent responsables, c’est à nous d’y faire attention
  4. On considère que ce tu postes t’appartient, et ce que tu postes ne doit pas enfreindre la loi. Si c’est le cas, tu auras une amende, et tu devras payer cette amende. Nous sommes donc responsables légalement de tout ce que nous mettons sur Instagram. Une blague ou un post jugé discriminatoire peut ne pas plaire à un inconnu qui la verra et celui-ci pourra engager des poursuites
  5. Même si tu es responsable des informations que tu mets sur Instagram, nous pouvons les garder, les utiliser et les partager avec des entreprises connectées à Instagram. Cela inclut ton nom, ton adresse mail, ton école, où tu vis, tes photos, ton numéro de téléphone, tes « likes » et « dislikes », où tu vas, où tes amis vont, combien de fois tu utilises Instagram, ta date d’anniversaire, à qui tu parles ainsi que tes messages privés. Une entreprise que nous ne connaissons pas peut ainsi avoir accès à nos numéros de téléphone sans souci pour ensuite l’utiliser à des fins commerciales
  6. Nous ne sommes pas responsables de ce que font les autres entreprises avec tes informations. Nous ne vendrons ou ne louerons pas tes infos personnelles à d’autres entreprises sans ta permission. Instagram ne vend pas sans permission mais peut partager sans celle-ci
  7. Quand tu supprimes ton compte, nous gardons ces informations personnelles sur toi, tes photos, aussi longtemps que raisonnable dans un but financier. Tu peux en savoir plus sur notre Politique de Vie Privée. Une photographie ancienne et personnelle peut donc réapparaître si un enjeu financier est en jeu, même si le compte a été supprimé
  8. Instagram n’est pas non plus responsable pour :
    • Les liens sur Instagram d’autres entreprises ou personnes qu’on ne contrôle pas, même si c’est nous qui t’envoyions ces liens.
    • Ce qu’il peut se passer si tu connectes ton compte Instagram à une autre appli ou un site. Par exemple si tu partages une photo et que l’autre application prend tes informations personnelles.
    • Le coût de la 3G quand tu utilises Instagram.
    • Si tes photos sont perdues ou volées d’Instagram.
    Instagram se dédouane de toutes responsabilités liées à ses comptes
  9. Même si Instagram n’est pas responsable de ce qu’il t’arrive quand tu utilises l’application, nous avons beaucoup de pouvoirs :
    • On peut t’envoyer des pubs ciblées en fonction de tes intérêts, que l’on surveille. Tu ne peux pas nous empêcher de le faire, et ce ne sera pas toujours précisé dans la publicité.
    • Nous pouvons modifier ou supprimer Instagram, ou t’empêcher d’accéder à l’application, quand on veut, sans que tu sois prévenu-e. On peut aussi supprimer certains de tes posts sans te dire pourquoi. Si nous le faisons, nous ne te devrons pas d’argent, et tu n’auras pas le droit de te plaindre.
    • On peut t’obliger à abandonner ton nom d’utilisateur, pour n’importe quelle raison.
    • Nous pouvons — mais ne sommes pas obligés — supprimer ou modifier des contenus d’utilisateurs qui enfreignent les règles. Nous ne sommes pas responsables si quelqu’un les enfreint, mais si tu le fais, tu es responsable. Instagram est l’entité toute puissante avec tous les droits qui ne peut pas être démise
  10. Même si tes données ne t’appartiennent pas, les nôtres nous appartiennent. Tu ne peux pas copier-coller les logos d’Instagram ou les autres contenus qu’on crée, ni les modifier, ni les supprimer. Instagram peut se servir sur tout ce que nous mettons sur leur réseau mais l’inverse est interdit : une relation à sens unique
  11. Tu peux supprimer ton compte en remplissant ce formulaire. Si tu le fais, tes photos disparaîtront de ton profil mais si quelqu’un d’autre les a partagées, elles apparaîtront encore peut-être sur Instagram. Autrement dit, notre profil numérique ne disparaîtra jamais complétement du réseau Instagram
  12. Nous pouvons modifier ces règles quand on veut en postant une mise à jour sur Instagram, que tu l’aies remarqué ou non. Tout ce qui a été mis plus haut peut-être modifié dans l’intérêt d’Instagram sans qu’ils aient à nous prévenir

Instagram se dédouane d’autres responsabilités dans ses politiques d’utilisation :

  1. Il faut être âgé de plus de 13 ans. (Cette règle est enfreinte par bon nombre de personnes : 43% des jeunes de huit à onze ans possède en effet un compte Instagram)
  2. Ne pas publier une image contenant de la nudité, de la violence ou suscitant la crainte. (Mais si vous êtes une célébrité faisant cela on ne vous dira rien)
  3. Il est interdit d’utiliser le compte d’un autre utilisateur sans leur permission. (Mais nous pouvons modifier votre compte sans votre autorisation)
  4. Ne pas laisser quiconque utiliser votre compte. (Mais nous pouvons le faire)
  5. Garder votre mot de passe secret. (Mais nous y avons accès)
  6. Ne pas intimider les autres utilisateurs ni publier des images offensantes à leur sujet. (Mais nous pouvons utiliser vos photos personnelles même si vous trouvez cela offensant)
  7. Il ne faut pas publier les informations personnelles des autres. (Mais nous pouvons le faire)
  8. Ne pas utiliser Instagram à des fins illégales ou contre ce que le réseau vous demande. (Ce que nous faisons n’est pas illégal car c’est marqué dans nos conditions d’utilisation que vous ne lisez pas)
  9. Demander la permission avant d’ajouter un site web à votre nom d’utilisateur. (Nous partagerons vos données avec eux dans tous les cas)
  10. Ne pas modifier l’application ou télécharger un virus. (Nous pouvons modifier votre compte mais l’inverse est interdit)
  11. Ne pas utiliser de robots pour accéder à l’application. (Nous en utiliserons pour récolter vos données)
  12. Lire le guide d’utilisation et respecter les consignes. (Nous nous dédouanons ainsi de toutes responsabilités)
  13. Ne rien faire qui peut nuire à l’expérience des autres utilisateurs.(Nous nous en chargeons le cas échéant)
  14. Ne pas encourager les autres à enfreindre les règles (Mais vous n’avez aucun moyen de le savoir si nous le faisons)

Ainsi, Instagram est le réseau-roi à qui rien ne peut arriver, s’étant armé d’un réseau de juristes et avocats ayant paré à toute éventualité pour se dédouaner si un problème venait à arriver. Cela donne à réfléchir sur les autres conditions d’utilisation que nous avons pu accepter et signer par le passé…

Fait intéressant, il faudrait en moyenne 76 jours pour lire toutes les conditions que vous acceptez en seulement un an et celles d’Amazon vous prendraient à elles seules neuf heures. Dans tous les cas, nous sommes obligés d’accepter les conditions pour avoir accès aux sites, le bouton « j’accepte » devrait donc plutôt s’appeler « je n’ai pas le choix d’accepter ». Beaucoup sont d’ailleurs surpris de voir l’inter-connectivité entre différents sites ou applications, par exemple si vous reliez votre compte Netflix à votre compte Facebook, le site de vidéos en ligne obtient l’accès à vos messages privés…

Toutes ces conditions sont là pour récupérer des informations sur vous et ainsi cibler au mieux les publicités / sites … qui pourraient vous plaire. En lisant vos messages et en regroupant des informations, on peut déterminer ce que vous allez faire et dire dans le futur. Quand on écrit un message, l’assistance du téléphone vous propose en effet des termes qui sont souvent ceux que l’on souhaite utiliser. Pas de conspiration ici, juste le résultat de l’acceptation de conditions générales d’utilisation en notre défaveur.

En conséquence, l’Europe a adopté la loi RGPD (réglement général sur la protection des données), applicable depuis le 25 mai 2018, dans l’espoir de mieux contrôler le traitement des données à caractère personnel et la libre circulation de ces données. Il n’empêche que toutes les données déjà récupérées ne seront pas supprimées pour autant…